Résultats du premier tour des élections régionales du 6 décembre 2015
« Le FN en tête dans 6 régions et au niveau national devant Les Républicains et le PS » d'après le Monde. Selon les résultats définitifs communiqués par le ministère de l’intérieur dimanche 6 décembre au soir, le Front national recueille 27,96 % des suffrages exprimés, devant l’union de la droite formée par Les Républicains, le Modem et l’UDI (26,89 %). A gauche, le PS plafonne à 23,33 %.
- Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le parti d’extrême-droite emmené par Marion Maréchal-Le Pen atteint 40,55 %, alors que Les Républicains, conduits par Christian Estrosi, plafonnent à 26,48 % et que les socialistes s’effondrent à 16,59 %. - Nord-Pas-de-Calais/ Picardie. Marine Le Pen arrive largement en tête au premier tour avec 40,64 % des suffrages, devant le candidat de la droite et du centre Xavier Bertrand (24,96 %). La liste socialiste dirigée par Pierre de Saintignon doit se contenter d’un maigre 18,12 % et se retire, conformément à la consigne donnée dimanche soir par le bureau national du PS. - Alsace/ Champagne-Ardenne/ Lorraine. Le vice-président du FN, Florian Philippot, est arrivé largement en tête avec 36,06 % des voix, devant Philippe Richert (LR-UDI-Modem), crédité de 25,83 % des voix, et devant le PS Jean-Pierre Masseret à 16,11 %, qui a annoncé qu’il se maintiendrait malgré les consignes de son parti. - Bourgogne/ Franche-Comté. Le Front national réalise un bien meilleur score qu’attendu : avec 31,48 % des voix, la candidate FN Sophie Montel arrive nettement en tête. François Sauvadet, le candidat des Républicains qui faisait la course en tête dans les sondages, perd huit points par rapport aux projections et recueille 24 % des voix. La sortante socialiste Marie-Guite Dufay obtient 22,99 % des votes.
- Centre / Val de Loire. La liste du frontiste Philippe Loiseau arrive en première position avec 30,49 % des voix, devant celle de Philippe Vigier (LR-UDI-MoDem), qui recueille 26,25 % des suffrages. Le socialiste François Bonneau est pour sa part à 24,31 %, devant la liste écologiste de Charles Fournier (6,6 %).
- Languedoc/ Roussillon/ Midi-Pyrénées. Le candidat Front national Louis Aliot arrive en tête avec 31,83 % des voix, devant Carole Delga (PS) qui réalise 24,41 % et Dominique Reynié (LR) qui enregistre un score de 18,84 %.
La droite et le centre en tête dans 4 régions :
- Île de France. L’ancienne ministre Valérie Pécresse, qui conduit la liste de la droite et du centre obtient 30,51 % des voix au premier tour, devant le président de l’Assemblée Nationale, le socialiste Claude Bartolone (25,19 %). Le Front national est à 18,41 %, les écologistes à 8,03 %, le Front de gauche à 6,63 % et Debout la France à 6,57 %.
- Auvergne/ Rhône-Alpes. Le secrétaire général Les Républicains, Laurent Wauquiez, recueille 31 % des voix, devant le candidat FN Christophe Boudot (25,52 %) et le candidat PS Jean-Jacques Queyranne (23,93 %).
- Pays de la Loire. La liste de la droite et du centre conduite par Bruno Retailleau est loin devant avec 33,49 % des suffrages exprimés. Le socialiste Christophe Clergeau arrive deuxième avec 25,75 %, devant la liste FN de Pascal Gannat (21,35 %).
- Normandie. L’ancien ministre de la défense Hervé Morin (LR-UDI-Modem) arrive de justesse en tête avec 27,91 % des voix devant le frontiste Nicolas Bay (27,71 %) et le socialiste Nicolas Mayer-Rossignol (23,52 %).
La gauche en tête dans 3 régions :
- Aquitaine/ Limousin/ Poitou-Charentes La liste PS-PRG d’Alain Rousset arrive en tête dans la région avec 30,39 % des voix, devant la liste de droite et du centre de Virginie Calmels (27,19 %) et celle du FN de Jacques Colombier (23,23 %), selon les résultats définitifs.
- Bretagne. Avec 34,92 % des voix selon des résultats définitifs, le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian arrive largement en tête du scrutin en Bretagne devant Marc Le Fur (LR) qui obtient 23,46 %. Bien que n’ayant quasiment pas fait campagne, il se voit en très bonne position pour le second tour.
- Corse. La liste divers gauche conduite par le président sortant du conseil exécutif, Paul Giacobbi, devance de peu la liste nationaliste du maire de Bastia, Gilles Simeoni, avec 18,42 % des voix contre 17,62 %.
Des résultats qui chamboulent
C'est plus que désemparés que Les Républicains et le Parti Socialiste ont reçu des résultats du premier tour plus qu'accablants. Le FN ayant obtenu 27,73% des voix au niveau national, des solutions de dernière minute s'avèrent nécessaires. D'après le journal La Croix, « Le PS est entré en zone de turbulence dès dimanche soir, après l’annonce par Jean-Christophe Cambadélis du retrait des listes dans le Nord et en PACA ». Ce retrait est vécu comme un « sacrifice » par certains candidats, et refusé par d'autres, comme c'est le cas de Jean-Pierre Masseret qui ne voulait pas se soumettre à « l’injonction de la direction du PS, malgré de multiples pressions et malgré sa troisième place derrière le FN et la droite ». Certains ont même « regretté » cette stratégie conduisant à un vote de second tour remettant fortement en cause leur ligne idéologique. S'ouvre alors au Parti Socialiste l'éventualité d'une union pour le second tour. Cette idée fut parfois encouragée, comme par « le maire socialiste de La Seynesur-Mer Marc Vuillemot, réclamant une liste fusionnée des listes de gauche et de l’écologie », mais parfois réfutée, celle-ci suscitant des « désaccords internes » comme l’explique le journal La Croix.
A droite, Nicolas Sarkozy a quant à lui « imposé sans trop de mal aux principaux responsables Les Républicains la ligne du « ni retrait, ni fusion » qu’il avait définie dès la veille au soir à l’annonce des résultats » nous informe La Croix. Cette décision a d'ailleurs vite été approuvée par ses principaux concurrents à la primaire, François Fillon et Alain Juppé l'un affirmant que « La fusion ou le retrait, c’est lutter contre la mer qui monte avec des sacs de sable» et l'autre que « le « ni-ni » était une bonne solution pour réagir à la forte progression du FN ». Cependant, tout le monde dans le parti ne partage pas l'opinion du président du groupe Les Républicains. Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Pierre Raffarin ont ainsi fait connaître leur opposition : ils ont demandé sans succès le retrait de la candidature de Dominique Reynié en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, dont la liste est arrivée en troisième position.
Selon Ipsos, « le PS et la gauche dans son ensemble obtiennent leurs plus hauts résultats chez les 25-34 ans avec 27% pour le PS et 77% pour l'ensemble de la gauche », mais aussi chez « les personnes diplômées (bac +3 au moins) avec 27% pour le PS et 77% pour la gauche, les cadres supérieurs avec 30% et 46% et enfin les professions intermédiaires s'étant quant à elles prononcé à 28% en faveur du PS et 44% pour le « total » gauche.
Toujours selon Ipsos, la droite quant à elle est la plus populaire auprès « de l’électorat âgé avec 40% chez les plus de 60 ans, des indépendants avec 36% et des cadre supérieurs, 35%. »
Le FN, au cœur des débats
Des pôles frontistes historiques
Depuis des années, au nord comme au sud, on décèle une forte présence du vote en faveur du Front National. En effet d'après le Monde diplomatique de décembre 2015 - publié avant les régionales - : «Une victoire du Front national aux élections régionales de décembre 2015 dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Provence-Alpes-Côte d’Azur illustrerait la géographie électorale du parti d’extrême-droite ». Cette dernière serait historique du fait qu'elle n'ait « guère évolué depuis les élections européennes de 1984, auxquelles le FN obtint environ 10 % des voix ». Cette tendance établie dans ces deux régions ne daterait pas d'hier. En effet, « un potentiel extrémiste se serait déjà exprimé avec le phénomène poujadiste, en 1956 », de ce fait, le développement frontiste « profiterait ainsi d’une structure sociale favorable, soutenue par la petite bourgeoisie patronale et commerçante ainsi que l’importante présence de rapatriés d’Algérie ». Cependant tout cela reste à nuancer. En effet, toujours d'après le Monde diplomatique : « un troisième visage du Front National » aurait émergé. De ce fait, la carte électorale ne correspondrait plus tout à fait avec les pôles historiques.
« Des parachutages réussis »
Depuis quelques temps, le Front National choisit la facilité. En effet le Monde diplomatique affirme que depuis une vingtaine d'années le parti d’extrême -droite adopterait une stratégie bien particulière :« les territoires les plus favorables sont pensés essentiellement comme des apanages : les dirigeants de premier plan viennent y chercher des terres d’élections favorables, même lorsqu’ils ont antérieurement construit un fief politique ailleurs ». Ce fut d'ailleurs le cas de Jean-Marie Le Pen, Brunot Mégret et Jean-Pierre Stirbois, en 1988 car « bien qu’ils vivaient tous trois en région parisienne, ils ont tenté de se faire élire dans les Bouches-du-Rhône ». Aujourd’hui, la stratégie semble bien ne pas avoir changé : le Monde diplomatique rappelle en effet : « Plus récemment, les parachutages de Mme Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, en 2007,et de Mme Marion Maréchal-Le Pen à Carpentras, en 2012, répondent à la même logique : attribuer les territoires les plus favorables aux dirigeants nationaux plutôt que promouvoir des militants de terrain qui se livrent à un patient travail d’ancrage local ».
« Les trois visages du vote FN ». Quand une troisième face émerge
Historiquement, nous savons que deux pôles à fort vote extrêmiste existaient déjà depuis quelques temps. Aujourd'hui, ces deux visages frontistes sont toujours globalement présents. En effet, d'après le Monde diplomatique la première catégorie surnommée « les travailleurs » rassembleraient : « des départements tous situés au sud de la Loire. A l’exception des Bouches-du-Rhône, tous les départements littoraux de la Méditerranée en font partie. On y retrouve également les départements de la vallée de la Garonne, et certains du sillon rhodanien ». Ici, le vote FN est notamment représenté pas les ouvriers, employés, cadres supérieurs etc.. Il s'agirait donc « des mondes du travail qui vivent dans des territoires dont l’économie fragile, déconnectée des grandes métropoles inscrites dans la mondialisation, se situe essentiellement dans les services et dépend pour beaucoup du tourisme et des prestations sociales ».
La seconde catégorie aussi appelée « les inactifs » quant à elle se situerait au niveau du grand quart et même tiers nord-est de la France (hors Paris et petite couronne), ainsi qu'une bonne partie de la région Rhône-Alpes, mais aussi les Alpes-de-Haute-Provence et surtout les Bouches-du-Rhône. Ici, le Front National séduit notamment les chômeurs. Le Monde diplomatique précise : « La préférence frontiste serait alors le symptôme de territoires dévitalisés économiquement, victimes de la désindustrialisation, qui conduit ceux qui sont déjà écartés de l’activité économique ou qui risquent de l’être à manifester ainsi leur désespérance ». Les ouvriers votent donc majoritairement en faveur du FN, mais également les retraités ainsi que les femmes au foyer.
Après avoir évoqué les deux visages « déjà connus » comme étant des « électeurs potentiels » du parti d'extrême-droite », nous pouvons à présent parler d'une troisième catégorie que l'on appelle « les rétifs ». On les trouve surtout dans l'Ouest, le Sud-Ouest à l’exception de la vallée de la Garonne, une large partie du Massif-Central et au-delà, jusqu’à la Nièvre et la Saône-et-Loire, mais aussi les Hautes-Alpes, Paris, les départements de la petite couronne ainsi que la Corse. Cette catégorie est plutôt « rétive au FN ». En effet le Monde diplomatique nous informe : « Là où le FN est plus faible, il l’est surtout parce qu’il ne parvient pas à séduire le noyau dur de son électorat au niveau national : les ouvriers et les inactifs ». Cependant, certaines catégories se laissent tout de même séduire, telles que « les indépendants ou cadres retraités, les employés de commerce, les professions intermédiaires du secteur privé... »
Cette analyse d'avant élections est à compléter grâce aux premiers résultats. Ainsi le quotidien Le Monde met en évidence la jeunesse de l'électorat FN, au-delà des catégories socio-professionnelles : « le Front national serait le parti majoritaire parmi les jeunes, qu’il s’agisse des 18-24 ans ou des 25-34 ans, avec 35 % d’intentions de vote dans la première catégorie (contre 21 % pour le PS et Les Républicains) et 28 % dans la deuxième (contre 27 % pour le PS et 21 % pour Les Républicains) ». Cependant, il faut également prendre en compte les 65 % d'abstention des 18-24 ans, d'après l'institut de sondage d’Ipsos/Sopra Steria. D'après le Monde si on résumait cela à « 100 électeurs potentiels de 18 à 25 ans, 65 se seraient abstenus donc 35 seraient allés voter, et sur ces 35 jeunes, 12 ont voté FN, 12 ont voté à gauche, et 10 ont voté à droite ».Cette tendance pourrait s'expliquer pas les conditions économiques de plus en plus difficiles de nos jours, qui entraîneraient des complications dans l'insertion des jeunes dans le milieu du travail.
Enfin, nombre de journaux - le Figaro, le Monde ou encore Courrier international - mettent en évidence l’afflux de migrants en Europe ces dernière semaines, ainsi que les attentats à Paris du 13 novembre dernier comme causes du succès du FN. Ces événements n'ont fait que rendre plus fructueuse la campagne frontiste, encourageant de nombreux indécis à basculer de son côté.